compte-rendu: Emmanuel Le Roy Ladurie, Naissance de l'histoire du climat

compte-rendu: Emmanuel Le Roy Ladurie: Naissance de l'histoire du climat, Hermann (collection Méteos), Paris, 2013. 212 pages, bibliographie, figures, tableaux.

Abréviations employées dans le texte qui suit:

ERLR -Emmanuel Le Roy Ladurie
M - million

La nature est un temple où de vivant piliers,
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y marche à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.  (Victor Hugo)

- et à nous à interpeller et à écouter sinon nous courons le désastre..

         C'est définitivement pas un livre à plaire à tout le monde. S'agit-il des débuts d'une science, l'histoire du climat - voire la climatologie historique - écrit par le fondateur lui-même..

         En effet l'auteur (ERRL) a débuté cette nouvelle science par la publication de son Histoire du climat depuis l'an mil en 1967.

         Au fond, ce texte est l'histoire passionnante d'une passion intellectuelle. Le travail d'ELRL et ses successeurs fait pont entre le travail savant des Lettres (L'Histoire) et le travail "scientifique", proprement dit (la Climatologie). Cet oeuvre résume bien les cinq décennies de construction de cette nouvelles science, naissante.

         ELRL essaie - et c'est dans cela que je trouve son grand intérêt - de comprendre les liens entre les hommes - et surtout les sociétés humaines - et les fluctuations du climat. Le résultat laisse rêver (sinon pantois) surtout quand on considère que les émissions des gaz d'effet de serre d'origine humaine sont en train de dérégler les systèmes climatiques sur lesquels nos systèmes d'agriculture - donc nos vies - dépendent..

         ELRL trouve que les variations climatiques -surtout celles qui conduisent à  des réductions - voire l'anéantissement - des récoltes- fonctionnent comme des "déclics", des "gâchettes", des "déclencheurs" de perturbations et /ou mutations socio-politiques: rébellions, révolutions, famines, dépeuplements, baisse de natalité, hausse de mortalité, voire guerres, conquêtes, migrations. Ce qui semble se passer, côté interaction climat / société: les tensions sociales et / ou politiques augmentent lentement. On pense à un ressort qu'on comprime lentement par force de main. Puis, arrive un événement climatique (hyper-)destructeur: sécheresse, coup de chaleur qui dessèchent et tuent le grain ou le fruit qui pousse, grande inondation, orage violent avec grosse grêle.. Les récoltes sont mises à terre, battues. Sois le gens meurent en place du faim ou des épidémies que la malnutrition appellent, sois les jeunes émigrent pour chercher du travail et de quoi se nourrir. Ces foules vaguant deviennent des porteurs de maladies transmissibles à cause de l'insalubrité de la misère et la baisse du fonctionnement du système immunitaire provoqué par la malnutrition. C'est surtout le cas des économies primitives, à petite échelle, autonomes, sans réseaux de transport commerçant. Ainsi s'explique, probablement, la peste bubonique qui est apparue et se propageait en vagues tueuses pendant des décennies après la catastrophique début du Peit Age Glaciaire (circa 1350 - circa 1850, selon les auteurs). Enfin, les épidémiologistes estimes que pour les famines, à chaque mort dûe à la famine correspond dix décès dûs à des maladies infectieuses.

  

           Au fur et au mesure que les économies progressent - se dotent des réseaux de commerce: ports, transport par rivières voire canaux, chemins et routes, elles élargissent leur "marge d'erreur" or de "manoeuvre". Au lieu de laisser des gens meurent de faim in situ on peut leur envoyer des denrées - à des prix élevés bien sûr! - provenant des régions ayant des surplus. On évite des mort mais paradoxalement, suggère ELRL, on augment aussi la risque d'émeutes, de violences publiques voire de révolutions et de renversements de régime. Pourquoi? C'est parce que les gens qui on bien misère de trouver sous pour donner manger à leurs enfants se lèvent tandis que ceux qui meurent de faim meurent tout simplement. Ils n'ont plus l'énergie pour se battre..

 

Le feu et la glace: éruption du volcan islandais Eyjafjallajokull. De tels événements peuvent, en aval, déclencher des famines, des rébellions voire des renversements de régime socio-politique.

        La puissance de l'effet "météo extrême" se lit facilement avec plusieurs exemples.

        France, 1693-4. Grande famine moderne. "Mortalité excédentaire", 1,3 millions (M) de morts sur une population (estimée) de 20 M d'âmes: un sur quinze en muerait. Mais c'est quand même "le grand siècle".  "L'âge d'or de la physique": Galilée (étude expérimentale de la cinétique des corps) , Kepler (ses trois lois des orbites planétaires), Newton (La Grande Synthèse!). C'était au même temps - rarissime! - un siècle de génie pour les Lettres: Cervantes, Shakespeare, Racine, Molière.. ET un français sur 15 meurt du faim.

       Pourtant, l'organisation de la société n'y est pas pour rien. Les famines sont beaucoup moins fréquentes et sévères en Angleterre qu'en France, grâce à un savoir agricole plus perfectionné et la facilité d'importer le froment par voie maritime. 

       Même des événements ponctuels peuvent avoir des effets socio-politiques graves surtout quand il y a conjoncture de facteurs déstabilisatrices.

       La fin du 18e siècle connaissait beaucoup d'intempéries et d'inondations. On dirait que l'atmosphère du temps était lourde. Puis survenu l'éruption du volcan islandais  Laki en juin 1783. Les aérosols (particules fines) jetés dans le bas-atmosphère, faisant écran solaire, baissaient la température globale moyenne. Les particules  aérosols fournissent des "centres de nucléation" pour la précipitation de goutelettes d'eau. Il pleuvait et neigeait même plus fort! "Glaciations fluviales, débâcles désastreuses des cours d'ea de divers pays en février 1784; inondations incroyablement spectaculaire" - et couteuse en argent et vies (page 77). De tels événements, tombant en période de tension sociale accrue, pourraient évidemment agir comme des "déclics" ou "gâchettes" révolutionnaires..

        La magnitude des affres climatologiques peut surprendre. Début 14e siècle, la France comptait environ de 20 M d'âmes. Après le désastreux début du Petit âge Glaciaire, seulement 10 M restait un siècle plus tard. Finlande, 1696-7, perd 25% de sa population à la famine..

        Les effets climatologiques / météorologiques sont très variés, voire contradictoires. En France encore, lors des 17e et 18e siècles, les bels étés - ensoleillées, tièdes ou chaudes sans sécheresse ou chaleur excessive - voyaient des bonnes ou excellentes récoltes. La nation s'enrichit. Même le petit peuple vivait un peu mieux. Mais attention! Ces belles années sont aussi des années d'épidémies tueuses d'enfants (dysenteries). Aujourd'hui on croit qu'il s'agissait d'une modification du rapport hôte - parasite. Chaleur veut dire aussi 

- croissance accélérée des microbes,

- plus d'évaporation donc volume réduit d'eau courante ou lacustre donc concentration des microbes

- vélocité d'écoulement réduite des cours d'eau donc eaux avec teneur réduite d'oxygène (plus septiques)

         En France, aux 17e et 18e, on s'enrichit mais à cout d'hécatombes d'enfants.

         L'historien du climat, ses outils: des "séries" de dates de vendanges, moissons, gels (y compris ceux des eaux portuaires); des chroniques, des archives thermométriques. Même les cernes d'arbres recèlent d'abondants renseignements sur le climat pendant leur croissance: les gros cernes indiquent de bonnes saisons de croissance. On ajoute des chroniques, des journaux, des actes judiciaires sur les déplacements des glaciers alpins y comprisi des records quantitatifs ou visuels: tableaux, gravures et photos. Les glaciers, eux, sont très sensibles aux fluctuations thermométriques. Après une chute prolongée de température, les glaciers - après un temps de réponse de plusieurs années - commencent  à croître. Quant il fait chaud, les glaciers, toujours après temps de réponse, reculent, souvent spectaculairement (chamonix, mer de glace)

                                Glacier Muir dans région de Glacier Bay en Alaska. 

            Pour les affûtés des changements climatiques et du réchauffement planétaire, c'est un livre passionnant, à ne pas manquer. 

            Pour moi, j'y vois, une fois encore confirmé, la preuve que notre civilisation s'enfonce dans une "crise de civilisation" (Edgar Morin: La Méthode - l'une de ses thèses la plus lourde de conséquences..) Notre hubris de technicien nous aveugle aux risques que nous courons par l'empoisonnement de l'atmosphère et les océans par le dioxyde de carbone. Je ne peux faire mieux que de citer l'ancien tragédien:

Les dieux aveuglent ceux qu'ils veulent détruire - Sophocle

     

Corruption - who pays??

        The Charbonneau commission recently revealed the degree to which the Québec construction industry is infiltrated by organized crime (mafia).

- Cartels to fix prices and determine whose "turn" it is to get a city contract apparently are common in some large municipalities like Montréal. 

- Kick backs to corrupt civic officials inflate the cost of municipal contracts to taxpayers (who already complain about being overtaxed). Thus, exorbitant - and unnecessary - cost overruns are overlooked by those payed to monitor civic expenditures (in return for a chunk of the overrun or lavish gifts or cheap house renovations, etc). 

- Commentators estimate that taxpayers are getting dinged to the tune of 30% of the real cost of municipal contracts. 

          Outrageous! This is the stuff revolutions are made of..

highway closed by debris falling from overpass

            If it only ended there it would be bad enough - but it doesn't just end at the public being cheated. Property is being damaged or destroyed, people have actually died. Saturday, September 30, 2006 near Montréal, Québec, a section of overpass falls onto the highway below, crushing two vehicles. Toll: 5 dead, 6 seriously injured. The resulting inquiry produced a litany of faulty design features, missed inspections, sloppy work and maintenance.

http://en.wikipedia.org/wiki/De_la_Concorde_overpass_collapse

            And if a mafia polluted construction industry in cahoots with corrupt municipal officials were not bad enough we also have to contend with the logical inanity and moral depravity of neo-conservative inspired cuts to regulatory agencies.

". Accused of consistently putting off repairs to pass balanced budgets, the Quebec government has since increased spending on highways and projects and has increased infrastructure spending for future budgets."

          Right! The public pays less taxes for less services to obtain those sacrosanct balanced budgets and people have to die for it - right? The irony, of course, is that some of the good bourgeoisie dying probably voted for the neo-con budget cutters whose policies killed them. Instant Karma..

         On a deeper level what, if anything, does the Charbonneau Commission teach us? The message is actually a pretty mixed one, from my reading. The positive side is that we live in a society in which - at least in principle and, from time to time in reality - public officials are held accountable for their management of the commonwealth or common good. Apparently the process is cyclic. Corruption builds up over time. The public becomes scandalized due to the action of a few muckraker journalists and other do gooders (footnote 1). A big stink follows - like the Charbonneau Commission and its potential sequels. The old bums - the masters of the Old Political System - are thrown out. They are replaced by younger - or in times of rapid transition - young idealists. The system is reformed and runs cleanly for a few decades. Then, the rot of cronyism inevitably sets in. Corruption spreads and in about 40 years, you are back where you began again. This cyclic nature of corruption / collective cleansing might provide a minimalist functional definition of democracy: democracy is a means of keeping the political, economic and social systems on a relatively even keel by periodically purging them of corrupting influences. Like a good purge or sauna every couple of weeks..

          I suspect that another reading might be that democracy has to be "returned" to the people (if ever it was taken away in the first place..) This is a problem raised by French sociologist Jean Claude Guillebaud in his work. At the beginning of the Revolutionary Era - the American and French Revolutions, latter part of the 18th century - things seemed pretty straight forward. The Three Revolutionary Principles of Liberty, Equality and Fraternity appeared non-contradictory. But, over time, the very success of the revolutionary bourgeoisie revealed contradictions between the three revolutionary principles. Freedom, unfettered, allowed some individuals to accumulate "excessive" amounts of wealth which in turn, gave them more power over others with less wealth. Thus freedom was found to be, partly, opposed to equality. Fraternity has also proven elusive when inequalities of wealth pass certain, hard to define, limits.

           It is likely that the coming ecological / demographic / economic / social crises will force us to re-evaluate the Three Revolutionary Principles and their value in modern technical societies. We will be forced to assess the possibility of achieving some form of them in the post cheap energy era we are now entering. We are already seeing some of these re-evaluations taking place in North America over the question of security. Since the 9-11 terrorist attacks, Americans have come to prioritize "security" over "freedom": "if you are not doing anything wrong, you have nothing to fear" is an argument used to rationalize increased surveillance by the state or private corporations payed by the state to enact such surveillance. This is one possible choice..

            An epoch like the one we are entering may, if we play our hands well, actually serve to re-invigorate the revolutionary principles. This would happen if, for example, reduced per capital energy consumption led to the decentralization of economic activity coupled with concurrent democratization of ownership of the means of production (worker coops, worker / consumer coops, creative schemes of social enterprise..)

           Whatever the long term outcome of the Charbonneau Commission it has served a necessary reminder - to be administered periodically! In matters of corruption, it is always the public who pays in the long run.

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footnotes:

1- muckraker: a militant, investigative journalist fighting for social justice or other Common Good causes

http://en.wikipedia.org/wiki/Muckraker

Is the good life so good?

          Social psychologist Paul Piff of the University of California at Berkeley, has studied the relationship of wealth to traits like empathy, honesty and generosity. The results may not be surprising but it is, at least, good to know that your personal prejudices stand on solid ground, statistically and scientifically speaking. (Piff's work confirms what at least a half century of studies have suggested..)

          Thus, the rich show less empathy and compassion towards others, they tend to be less honest and (curiously), in some situations, more likely to break laws. They tend to feel entitled by their own perceived superiority. This superiority is attributed mainly to hard work and personal values rather than to luck or starting life from a privileged position. The rich are more likely to rationalize, even moralize, greed: the wealthy should not be taxed claim American neoconservatives because their efforts generate wealth which, through job creation, "trickles down" to the masses. (The Golden Shower Theory of Wealth Generation..). The rich are more narcissistic and feel more entitled than the poor do. People seem less important to them than is the case for the less well off.

          In California it is required that motorists yield the right of way to pedestrians at marked crossings:

https://www.dmv.ca.gov/pubs/vctop/d11/vc21950.htm

           So Prof Piff came up with an ingeniously simple experiment. Observe how many motorists obey the law according to the price range of the car they are driving. Neat, eh? So what did he find? There was a humongous variability in courteous behavior. In several studies, he found that 100% of people driving the cheapest cars obeyed the law and yielded the right of way to pedestrians at marked crossings. Compliance fell to a paltry 50% - !sic! - for drivers of high end autos. One usually would not expect such a strong "experimental manipulation" effect in the social sciences. One can only conclude that the entitlement effect is really STRONG!! (especially since the experiments have been repeated)

          Another interesting effect. Rich folks should be able to give more to charity but, in relative terms, on the whole, they don't. Wealthy households give less, relative to their wealth, than less wealthy households.

         But the one that really got to me: if people view videos which are chosen to elicit compassion in viewers, the physiological indicators of "compassionate arousal" (slowed cardiac rhythm, for example) are significantly weaker in the wealthier viewers. Even their physiology - which one might think would not be so easily affected by social factors - is shifted by the mere possession of wealth and the status if confers. This, of course, shows that status is as important for humans as it is for other vertebrates. For example, the brightness or degree of iridescence in birds is often linked to status in the social hierarchy: more color or more iridescence, the higher you are in the hierarchy. If you manage to rise in status by fighting your way to the top, hormone changes associated with dominance cause iridescences to brighten. Become sick or old or get beaten up too much and you dull out as you fall in social dominance.

            Echoing earlier researchers, Prof Piff concludes that there is little real satisfaction in the possession of wealth. Wealth does though provide greater opportunities, better long term health outcomes, etc. Like Aristotle more than 20 centuries ago, he finds the real values of life in the social network, the quality of our relations with others, and the meaning or purposes we find - or create - in life.

             We now know that social status is about as important for humans as for chimpanzees or starlings. But to what degree, and how, are we different from these creatures? Perhaps the real difference is that our more complex brains allow us a "look down" perspective that they do not possess. Humans can, I believe, judge the global effects of a given level of social inequality and adjust our behavior accordingly. It is this capacity which makes wo/man "The Moral Animal".

http://transparencycanada.blogspot.ca/2013/09/book-review-moral-animal-by-robert.html

            Audio of an interview with Prof Piff by Anna Maria Tremonti on CBC radio, July 4, 2014:

http://www.cbc.ca/thecurrent/project-money/2014/07/01/money-psychology/